Le Club des amis du Droit du Congo (CAD) et la Ligue pour la Paix, les Droits de l’Homme et la Justice (LIPADHOJ) s’indignent contre l’arrestation, le 23 mai 2020 matin à son domicile, de l’honorable Jean-Jacques Mamba en violation de la Constitution.
Il ressort de l’analyse objective faite par ces deux organisations ce qui suit :
- Il est reproché à l’intéressé, député national en fonction, en procédure de flagrance, d’avoir commis l’infraction de faux en écriture et usage de faux, infractions prévues par les articles 124-126 du Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal tel que modifié et complété à ce jour.
- Le mandat d’amener émis par le parquet général près la Cour de Cassation date du 22 mai 2020. Alors que la procédure prétendument applicable est relative aux infractions flagrantes, nulle part dans cet acte il n’est fait mention de cette procédure comme fondement.
- Il est nécessaire de rappeler que l’article 7 du Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale tel que modifié et complété à ce jour fixe la notion de la flagrante tandis que la procédure spéciale qu’elle implique relève de l’ordonnance loi no 78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions flagrantes. Au regard de cette ordonnance, toujours en vigueur, il y a flagrance, lorsque l’infraction se commet actuellement ou vient de se commettre, et dans le cas où elle est commise et que l’auteur présumé est objet de la clameur publique ou encore porteur d’effets ou objets à condition que ce soit dans le temps voisin, cette flagrance est réputée.
- Le caractère exceptionnel de cette procédure tient au fait que « la lenteur de la justice a souvent fait l’objet de critique ; le peuple est déçu de constater qu’entre le moment où une infraction est commise et celui où intervient la sanction, il s’écoule un laps de temps trop long à telle enseigne que le jugement qui prononce la condamnation pénale se passe dans l’indifférence quasi totale des citoyens ».
- Même si le constituant de 2006 prévoit la possibilité de poursuite, contre un parlementaire en cas d’infraction flagrante sans l’autorisation préalable de l’Assemblée nationale ou du Sénat selon le cas et pour des infractions commises en dehors des fonctions parlementaires, il faut éviter de rendre la notion de flagrance trop « élastique » au risque de lui faire perdre sa raison d’être qui implique une appréciation de temporalité stricte.
- À considérer le temps qui s’est écoulé entre la découverte des faits, le dépôt de la plainte par la victime et l’émission du mandat d’amener ainsi que la saisine de la juridiction, les autorités judiciaires semblent s’écarter des prescrits de l’ordonnance-loi précitée. Bien plus, l’on pourrait penser que cette manœuvre vise uniquement à contourner les exigences fixées par l’article 107 de la constitution sur l’autorisation préalable à toute poursuite d’un parlementaire.
- Dans cette optique, complétant l’article 107 de la constitution, les dispositions de l’alinéa 4 de l’article 74 de la loi-organique no 13/10 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation reconnait à la chambre dont relève le parlementaire poursuivi, même pour des faits flagrants, le pouvoir de décider de la suspension des poursuites avec effets immédiat jusqu’à la clôture de la session.
Au regard de ce qui précède,
Le CAD et la LIPADHOJ demande toutes affaires cessantes au bureau de l’Assemblée nationale de suspendre les poursuites engagées contre l’honorable Jean-Jacques Mamba devant la Cour de cassation. Ils exhortent également les autorités judiciaires au respect des règles constitutionnelles et légales en matière d’immunités, d’inviolabilité et de flagrance. Y compris la jurisprudence sur la notion de temps « voisin » applicable en cas de flagrance réputée.
Nous croyons à la sagesse des juges de la plus haute juridiction nationale de l’ordre judiciaire et au réveil de cette justice qui a longtemps souffert de l’inféodation pour que soient tirées toutes les conséquences qui s’imposent par rapport à l’activation à tort de la procédure de flagrance.
Ainsi, comme le souligne le feu Doyen Bayona, le respect des règles de la procédure pénale est le thermomètre de la température démocratique d’un État.
Le CAD et la LIPADHOJ sont préoccupés par ce maniement abusif de la notion de flagrance et plaident en faveur de la libération de l’honorable Jean-Jacques Mamba.
LIPADHOJ et CAD suivent attentivement l’évolution de cette affaire et espèrent que les hauts magistrats vont rendre justice.
Fait à Kinshasa et à Bunia, le 25 mai 2020
CAD et LIPADHOJ